Reportage

Le Grand Entretien: Sandrine Agricole

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C’était aux Pays-Bas que Sandrine Agricole s’est rendu compte qu’elle allait jouer au rugby pour l’équipe de France.

C’était aux Pays-Bas que Sandrine Agricole s’est rendu compte qu’elle allait jouer au rugby pour l’équipe de France.

De la banlieue parisienne et d’une famille qui était plus foot et course à pied, Agricole a découvert le rugby au collège.

Et une fois qu’elle a découvert le ballon ovale, il n’y avait pas photo, c’était le sport pour elle.

Agricole raconte : « J’étais au collège et je ne connaissais pas cette activité. Comme Obélix je suis tombée dedans et ça a été l’amour fou, le coup de foudre même je dirais. Une activité dans laquelle je m’y suis retrouvée, les valeurs que prônait le prof c’était la liberté des joueurs avec le ballon et c’est ce qui m’a attiré dans ce sport. On vous donne un ballon et vous avez le droit de courir avec, de taper et si vous n’êtes pas porteur de balle vous avez le droit d’attraper et de faire tomber le porteur. Et c’est cette liberté qui m’a vraiment plu dans cette activité.

« Pendant un stage d’été avec mon club, c’était Villiers sur Marne dans le 95, on avait fait un voyage de fin d’année, et ce voyage coïncidait avec la Coupe du Monde 98 féminine, c’était en Hollande. Ce n’était pas un lieu exotique mais j’ai pu découvrir qu’il y avait une équipe de France féminine et je me souviendrai toujours pendant les hymnes je regardais l’équipe de France et j’ai dit à une de mes partenaires ‘Un jour je serai en face’. Et c’est de là qu’est venue cette volonté de poursuivre cette aventure rugby au haut niveau et de faire tous les sacrifices qu’il fallait pour atteindre cet objectif-là. »

UNE ASCENSION RAPIDE

Elle a atteint cet objectif, et bien plus. Agricole a remporté le Tournoi des Six Nations avec le Grand Chelem en prime à trois reprises et a terminé sa carrière avec 84 sélections.

La première est venue à Twickenham, une large défaite contre les Anglaises dans le Tournoi en 2003, mais les Bleues se sont vite remobilisées.

Elle explique : « La première sélection contre l’Angleterre à Twickenham. C’est un match que je n’oublierai jamais, non pas parce qu’on a gagné. Au contraire on a pris une grosse fessée, 57-0, mais c’était la première, je débutais avec le numéro 21, je découvrais le monde du haut niveau. Ça a été le début d’une belle aventure en bleu jusqu’en 2014.

« Twickenham c’était grand mais je n’avais pas encore cette notion de cet antre du rugby, de l’Angleterre ou le Crunch et tout ça. Pour moi ça ne représentait rien, j’avais juste l’objectif de représenter mon pays, de chanter la Marseillaise, moi de l’autre côté et de porter le maillot bleu, c’était ça l’idée du départ.

« On fait le Grand Chelem en 2004, 2005 et 2014. À l’époque où je suis arrivée, je crois qu’il y avait une Coupe du Monde en 2002 alors il y a eu un renouvellement au niveau des joueuses et du staff. Donc on arrivait en 2003 avec beaucoup de jeunes joueuses et avec un nouveau staff qui a imposé un nouveau staff et un nouveau discours. Alors certes on n’a pas gagné le Tournoi en 2003 mais on a démontré qu’il y avait du potentiel et ça s’est concrétisé en 2004. Ça date maintenant et on a pu grâce à ce travail emmené par Benoît Oszustowicz et Philippe Laurent, faire le Grand Chelem deux années consécutives.

« On était sur une dimension où le rugby pratiqué par les femmes commençait à prendre une place. Je ne dis pas que les portes étaient grandes ouvertes, les médias ne nous suivaient pas à l’époque mais ils commençaient à nous entendre, grâce aux résultats notamment. »

PASSAGE EN DIX

Après les deux Grand Chelems consécutifs, ce sont les Anglaises qui ont pris le pouvoir dans le Tournoi avec sept victoires et six Grand Chelems entre 2006 et 2012.

Mais c’est à ce moment qu’Agricole a basculé du poste de centre à l’ouverture, un tournant dans sa carrière.

Et les Bleues ont retrouvé les sommets en 2014 avec un nouveau Grand Chelem, avant une Coupe du Monde en France la même année – une dernière année chez les Bleues pour Agricole.

« En 2014 on fait le Grand Chelem, et à l’issue de ce Grand Chelem on était en préparation pour la Coupe du Monde en France. Le fait d’avoir fait le Grand Chelem, le fait aussi que les médias ont commencé à nous suivre de plus en plus, les journalistes ont suivi certaines joueuses de manière individuelle, les gens se sont rendu compte que le rugby pratiqué par les femmes n’était pas un rugby bourrin, ce n’était pas une représentation d’une femme camionneuse mais c’était des jeunes femmes qui faisaient des études, des jeunes femmes qui parfois étaient mères de famille, mariées, et ils ont vu aussi qu’il y avait tout un sacrifice, tout un travail autour de cette construction de performance qui nous a emmené à faire un bon résultat en Coupe du Monde en 2014.

« Certes notre objectif était de gagner cette Coupe du Monde, notamment en France, mais cette troisième place et le fait d’avoir conquis un public, ça a permis au rugby pratiqué par les femmes d’avoir ce rebond et cette médiatisation qu’on connait aujourd’hui avec le Tournoi des Six Nations qui est diffusé, la tournée d’été à San Diego qui avait été diffusé en son intégralité. Maintenant on fait partie intégrant du village médiatique des sports.

« (Le fait de passer à l’ouverture) Ça a été une reconnaissance du travail accompli parce que pour moi passer de centre à dix ça avait une signifiance que j’avais gagné en maturité à mon poste et qu’on me faisait confiance pour gérer la conduite de l’équipe. Le poste d’ouvreur pour moi c’est très important, ça demande beaucoup de recul, beaucoup de relâchement, de concentration et ça correspondait bien à la maturité que j’avais acquis au fur et à mesure des années.

« En 2012 j’avais 32 ans et c’est ce qu’on demande à des joueurs ou des joueuses de cet âge-là. C’est d’avoir ce recul et cette approche un peu plus fine et plus réfléchie du jeu pour se servir des petites jeunes qui montaient à l’époque pour essayer de les emmener au plus haut niveau que chacun puisse faire performer l’équipe au maximum. »

LA RECONVERSION

Si beaucoup de sportifs ont du mal avec la reconversion après leur carrière, ce n’était pas le cas pour Sandrine Agricole, qui a fait des études de kinésithérapeute.

Après avoir travaillé avec la FFR, elle a fait le choix de devenir kiné, une décision qu’elle ne regrette pas du tout.

« L’idée c’était de fermer un livre et d’en ouvrir un autre. Je voulais fermer la page rugby et une fois que j’avais fermé ce livre-là, je pouvais enchainer sur une nouvelle vie professionnelle. C’est pour ça que ça collait bien avec la préparation de la Coupe du Monde de 2011 à 2014 et ma promotion de kinésithérapeute c’était aussi de 2011 à 2014 alors tout s’est bien enchainé et ça m’a permis de ne pas avoir un moment quand les sportifs arrêtent leur carrière, ils se posent des questions et ils ne savent plus ce qu’ils sont. Ça permet de très vite enchainer sur quelque chose et de ne pas tomber sur une sorte de dépression où on ne sait plus à quoi on sert. C’était calculé et prévu comme ça dans mon parcours. »

Elle est restée à Rennes, où elle avait joué en club, avant une opportunité avec l’équipe de France des moins de 18 ans à sept. Agricole les a accompagnées jusqu’aux Jeux Olympiques de la Jeunesse en Argentine avant d’accepter l’offre d’Annick Hayraud de rejoindre l’équipe de France féminine en 2019.

« Annick Hayraud m’a contacté pour que je puisse intégrer l’équipe de France féminine pour l’année 2019. Ça s’est très bien enchainé, j’ai fini mon mandat avec l’équipe de jeunes à sept à la fin des JO de la jeunesse en Argentine et ensuite j’ai intégré les féminines séniors pour le Tournoi des Six Nations 2019. »

LE RCT

Ensuite c’est une nouvelle possibilité qui s’est présentée avec le RC Toulon, où Agricole est maintenant une des deux kinés au club.

« J’avais déjà fait une expérience ça devait être en 2017 avec le RC Vannes qui évolue en Pro D2 et à l’époque aussi. Mon préparateur physique qui m’avait préparé pour la Coupe du Monde, est le préparateur physique de Vannes.

« Il cherchait un kiné et il m’avait proposé, c’était juste à côté de chez moi alors j’ai accepté, comme j’ai dû ouvrir mon cabinet en 2018 j’ai dû arrêter mon partenariat avec eux mais c’était quelque chose qui m’avait vraiment plu.

« J’ai rencontré un super ostéopathe, Jean-Pierre Darnaud, qui est devenu mon ami et qui m’a vu évoluer et qui m’a dit que j’étais faite pour le haut niveau. Le RC Toulonnais se séparait de ses précédents kinés et Jean-Pierre Darnaud a parlé de moi au directeur sportif qui est aussi un ami à lui et ça s’est fait comme ça.

« Ça s’est fait en deux semaines. J’ai rencontré Laurent Emmanuelli et puis Patrice Collazo et le feeling est bien passé. Ils m’ont fait confiance et j’espère qu’aujourd’hui ils ne sont pas déçus, je ne pense pas.

« C’est un boulot qui est assez prenant parce que le rythme du Top 14 est assez intense mais c’est quelque chose qui est vraiment intéressant, au fur et à mesure des mois vous arrivez à créer une espèce de complicité, de confiance avec les joueurs qui est vraiment enrichissant. Vous arrivez à créer des liens avec des joueurs, pour certains que je voyais à la télé et que j’étais en train de les bader et là vous avez ce rapport égalitaire entre le kinésithérapeute et son patient et je trouve ça intéressant. »