Paul Gustard avait prévenu que cette saison, il faudrait surveiller de très près Owen Farrell (33 ans, 112 sélections avec l’Angleterre et 7 avec les British & Irish Lions). Gustard était alors juste entraîneur de la défense du Stade Français Paris et Owen Farrell venait d’être recruté au Racing 92, le club concurrent, par l’ancien sélectionneur du XV de la Rose, Stuart Lancaster.
« Il est incroyablement constant : un joueur pro avec des performances de 8, 9, 10/10 chaque semaine, il fait rarement un mauvais match. Je suis stupéfait par les critiques qu’il a reçues ; pour moi, c’est incompréhensible. C’est juste un joueur de classe mondiale et il pourrait bien être la recrue de la saison. »
Gustard était dithyrambique. On était au mois d’août, avant le début de la saison. Et quelques semaines plus tard, au bout de la 8e journée de Top 14, la saison a déjà pris une tournure incroyablement différente.
La 8e journée où tout a basculé
Paul Gustard a depuis été nommé entraîneur en chef – après l’éviction de Karim Ghezal – pour tenter de redresser le Stade Français qui a tout donné pour tenter de s’extirper du bas du tableau qui lui collait dangereusement aux crampons. Et Owen Farrell n’a pas encore totalement rassuré sur son recrutement.
Mais cette huitième journée a été un tournant. Le Stade Français Paris a enfin retrouvé goût à la victoire après quatre défaites à l’extérieur et une à domicile en battant l’ASM Clermont 36-6 à Jean-Bouin. Et dans la même journée, Owen Farrell a inscrit son tout premier essai de Top 14 pour le Racing dans la victoire 30-23 face à Perpignan.
Jamais encore l’international anglais avait eu l’occasion de jouer dans le fief du Racing 92, dans cette Paris-La Défense Arena que le monde entier a admiré transformée en piscine olympique pendant les Jeux de Paris 2024. Délocalisés à Créteil depuis cet été, les Racingmen ont souffert du déménagement et ont montré leur force en revenant au bercail, sur leur pelouse synthétique cette fois.
Et Farrell, donc. A la 6e minute du match contre l’USAP, l’international récupère une mauvaise passe entre deux avants du Racing, donne une petite impulsion au pied et file seul à l’essai sous les ovations du public français, surpris de porter aux nues un Anglais. Qui plus est, Owen Farrell. Un essai au bout de sept matchs où il a été à chaque fois titulaire. Il a entre-temps réussi six pénalités et une transformation, pour un total de 15 points, malgré les résultats mitigés du Racing.
Deux cartons en sept matchs
Capable du meilleur, mais aussi du pire, lors de cette même soirée Farrell s’est pris un carton jaune, déjà son deuxième de la saison (le premier étant contre Clermont à la mi-septembre). Farrell a été exclu à la 78e minute pour avoir donné un coup de poing au visage du pilier Giorgi Beria. Un mouvement d’humeur qui lui vaudra de passer logiquement en commission de discipline et de rester en tribunes pendant quelques rencontres.
« Je pense qu'il est en train de trouver ses marques », a tenté de le défendre Stuart Lancaster. « Il prend du plaisir, il dirige bien et je sais qu'il était désolé après le match d'avoir mis l'équipe dans cette situation. »
Arrivé cet été au Racing 92 en provenance des Saracens où il a passé 16 ans, l'ouvreur anglais a reconnu que le Top 14 était « très compétitif ».
« On veut être meilleurs. Je travaille dur pour être meilleur. Nous voulons être en haut du tableau, et les résultats ne sont pas allés dans notre sens », confiait-il quelques semaines avant, lui qui cherchait en France « une expérience différente ». Pour le coup, il n’est pas déçu.
Une adaptation plus lente que prévu
« Je ne pense pas qu'on puisse arriver dans un nouveau club et prendre toute la place, monopoliser la parole, », reconnaît-il, soulignant son souhait de « mieux comprendre le club et le rugby français » pour assumer pleinement son rôle de leader. Mieux maîtriser la langue aussi, la base.
Le Top 14 est très compétitif. Chaque match est un gros match, les équipes peuvent marquer de nulle part, et il y a beaucoup de retournements dans les matchs. Mais je me sens bien. Je suis de plus en plus moi-même.
« J'écoute beaucoup et de nombreux joueurs parlent anglais, » a-t-il précisé en conférence de presse, en reconnaissant la nécessité de « mieux maîtriser le français pour être plus rapide » dans la transmission des informations.
Frédéric Michalak, entraîneur de l’attaque du Racing, ne s’inquiète pas sur ce point, soulignant que Farrell était « en train de monter » en puissance, notamment « dans le style de jeu et la façon de jouer avec panache du Racing 92 ». Selon Michalak, Farrell comprend de mieux en mieux les annonces, la langue et la culture françaises, et il souligne également l'importance de son adaptation réussie en famille, facteur essentiel pour l’intégration qui avait fait défaut à Siya Kolisi, reparti depuis aux Sharks.
« Le Top 14 est très compétitif. Chaque match est un gros match, et il y a un gros combat en mêlée, dans les rucks. Les équipes peuvent marquer de nulle part, et il y a beaucoup de retournements dans les matchs. Mais je me sens bien. Je suis de plus en plus moi-même », assure Owen Farrell.