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PIERRE BROUSSET : « J’ESSAIE D'ÊTRE DUR ENVERS MOI-MÊME SUR MES FEEDBACKS »

Pierre Brousset
Pierre Brousset est l’un des deux arbitres français retenus sur le Tournoi des Six Nations 2024. Le moment sera important pour lui car il y fera ses débuts en tant qu’arbitre au centre d’équipes du tier 1.

L’arbitre français Pierre Brousset a déjà coché la date du 11 février 2024. A 16h précisément, il fera ses débuts en tant qu’arbitre central sur le Tournoi des Six Nations pour le match entre l’Irlande et l’Italie à l’Aviva Stadium en clôture de la deuxième journée. Petit retour en arrière symbolique. L’Italie au Six Nations fut d’ailleurs sa toute première expérience arbitrale sur le Tournoi… mais avec les U20, en 2016 (Italie 14 – 24 Ecosse).  

Pour arbitrer un test-match au centre, il faudra attendre un Malte-Israël (39-17, le 22 avril 2017) avant d’enchaîner sept autres ensuite, dont le dernier, Roumanie – Uruguay, remonte au 13 novembre 2022. Mais Pierre Brousset n’a encore jamais arbitré de rencontre entre équipes dites du tier 1. 

Depuis 2016, il a couru sur trois tournois de rugby à sept, continué un peu avec les U20 mais surtout, surtout, il a accompagné ses pairs depuis la touche en espérant un jour être à leur place.

Cette opportunité, il l’attend depuis des années. Et puis un jour, son téléphone sonne et Joel Jutge, le patron des arbitres à World Rugby, l’informe qu’il a été retenu pour tenir le sifflet sur une rencontre du Tournoi 2024. 

« C’est une petite surprise », sourit-il. « On y pense dans un coin de sa tête. Mais étant donné que je n’avais pas fait de terrain encore sur les tests de novembre ou de juin, je me disais est-ce que ça va arriver directement sur le Tournoi des Six Nations ? Est-ce qu'ils vont attendre de me désigner plus tard sur l’été ? Il y a eu un petit effet de surprise pris avec beaucoup de joie, de reconnaissance et de fierté à la fois. » 

Une suite logique 

Pourtant, au vu des derniers mois, cela semble une suite logique dans sa carrière. Arbitre assistant sur un match du Tournoi en 2022, il double la mise l’année suivante et surtout plonge dans le chaudron de la Coupe du Monde de Rugby 2023 en France avec sept rencontres sur la touche.  

« Oui, je pense que c'est une suite logique, surtout après l'épisode de la Coupe du monde qui s'est bien passé. Je pense que c'est dans l'ordre des choses, mais on sait aussi que les places sont chères », reconnaît-il.  

« Il n'y a que quinze arbitres qui peuvent y prétendre. Après, on sait que des choix devront être faits à la fois politique et sportifs. Et du coup, on ne sait jamais à l'avance si on va y être ou pas. Et en plus, je n’avais pas fait de match de tier 1 en tant qu’arbitre central, donc ça aurait pu être un argument supplémentaire. Mais je suis très heureux, très heureux d'y figurer et très heureux que le travail soit récompensé. » 

Dans les pas de Mathieu Raynal 

A ses côtés, un autre Français a été retenu pour le Tournoi 2024, Matthieu Raynal, seul arbitre central français sur la Coupe du Monde de Rugby, qui aura également en charge une rencontre (Pays de Galles – Italie, le 16 mars). 

« On a échangé avec Mathieu ; je l’ai eu au téléphone. Il a été l’un des premiers à m'appeler pour me féliciter. Je suis très heureux de partager cette première du Six Nations avec lui », raconte Pierre Brousset, qui aura 35 ans le 15 janvier. 

« Nos liens se sont renforcés depuis deux ans parce qu'on s'est retrouvé à plusieurs reprises sur des matchs du Rugby Championship, du Six Nations, l'aventure de la Coupe du monde s’est passée ensemble où j'ai pu l'accompagner sur trois-quatre matchs.  

« De plus, on n’était que deux français ; donc si on n'est pas solidaires entre nous, c'est compliqué aussi d'exister. J'ai pu profiter de son expérience. Il m'a donné plein de petits conseils pour évoluer à ce niveau-là et je pense que ça m'a servi pour appréhender les matchs avec plus de sérénité. » 

Son conseil, justement ? « Ce que je retiens à chaque match ou à chaque étape de ma carrière, c’est en fait de ne rien changer, tout simplement ; arbitrer avec ses convictions, arbitrer avec sa personnalité », affirme-t-il.  

« Et je me dis que si je suis arrivé à ce niveau-là, c'est que mes convictions, ma personnalité plaisent. Bien sûr que le match parfait n'existe pas. Il y a toujours à évoluer, toujours à trouver des choses à faire évoluer dans sa façon d'arbitrer, dans sa façon de manager le match. Mais je pense que le fil conducteur doit être le même, que ce soit sur un match de Pro D2 ou un match international. » 

Se concentrer sur soi-même plutôt que sur les équipes 

Et par conséquent, comme pour chaque match, il compte se préparer exactement de la même façon. « Je garde mes semaines type avec des entraînements classiques, un équilibre entre le terrain, la salle de sport, la récupération, entrecoupé de séances de technique pour préparer les matchs, voir éventuellement les habitudes des équipes », explique celui qui est arbitre à temps plein auprès de la fédération française de rugby (FFR) et de la ligue nationale de rugby (LNR) depuis 2018. 

« Peu importe le match, j'essaie de garder le même fil conducteur. Je préfère me concentrer sur moi-même avant de me concentrer sur les équipes. Je pense qu'il y a des choses qu'on peut maîtriser en amont, nous les arbitres, et ensuite le jour J, on a juste à s'adapter à ce qui nous est proposé. Changer ses habitudes parce que le match est plus important, je pense que ce serait faire fausse route ; dans ce cas je vais aller dans quelque chose d'inconnu et ça peut créer plus d'inconfort qu'autre chose.  

« Je ne me suis pas encore projeté, mais je pense que ma semaine sera classique. Il y aura peut-être un peu plus de concentration. On travaillera un peu plus les détails pour être prêt à réagir sur les moments clés, parce que le haut niveau, c'est la gestion des moments clés. Mais ma trame de préparation sera la même. » 

Faire son auto-évaluation en permanence 

Les récentes polémiques sur l’arbitrage et les flots de haine déversés sur les réseaux sociaux ne semblent pas avoir entamé ni sa passion, ni son envie de poursuivre dans cette voie.  

« La passion reste intacte parce que je pense que, en tant qu'arbitre on ne peut pas satisfaire tout le monde. Et ça, c'est quelque chose qui est clair dans ma tête depuis le début », dit-il. 

« En gros, tout ce qui se passe autour, j'essaie de faire abstraction et je me concentre sur mon chemin à moi, sur comment je peux m’améliorer au quotidien tout en essayant d'être dur envers moi-même sur mes feedbacks, en me disant ‘j'ai pas été bon sur ce secteur, je vais essayer de m'améliorer en essayant de trouver des leviers’. 

« Et pour ça, je n’attends pas les critiques dans la presse ou sur les réseaux sociaux. Je pense que l'auto-évaluation est assez présente pour essayer d'avancer, ce qui permet de garder la passion intacte. » 

Les planètes semblent donc alignées pour celui qui a joué au rugby jusqu’à la vingtaine avant de progressivement glisser ver l’arbitrage. Un choix purement assumé pour toucher le haut niveau, où il est justement parvenu. 

Il fut d’ailleurs, au commencement, l’arbitre le plus jeune du Top 14. Auparavant, il regardait le Six Nations en famille « sur ces journées froides d’hiver », bien au chaud devant la cheminée. Et il en garde toujours un souvenir ému. 

« Des grands matchs de rugby marqués d’histoire, dans de magnifiques stades, une ambiance dans chaque stade qui est unique, que ce soit côté écossais, côté gallois et même en France », raconte-t-il. « Tous les matchs sont intenses et on voit que c'est une compétition très serrée d'une année à l'autre. C'est un privilège de pouvoir officier sur ce genre de rencontres et c'est aussi un tournoi unique en son genre. »